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  • Photo du rédacteurjeanmarctrimouille

Poussin

LA MORT DE CHIONÉ - Où la déesse Artémis se venge d’une mortelle impertinente.


1622 Musée des beaux-arts de Lyon 1,09 m × 1,59 m



Toile de Poussin de l’année 1622 dont aucune de ses peintures ne semblait subsister, fruit de jeunesse extrait de l’oubli, de cette toile mouvementée caravagesque, la commande et la livraison sont certaines.


Le rythme est chez Poussin une vertu essentielle. Si aucun document n’en attestait l’identité de l’auteur, les qualités rythmiques et spatiales de cette toile outre son fulgurant lyrisme ne pourraient laisser indifférent quiconque en ferait l’expérience.


Le rythme est comme la configuration d’une geste qui se répercute et se transforme.

C’est la figure - de la flèche et de l’arc - qui est exploitée dans ce moment fatal que se disputent l’orage, la tempête, le meurtre, le suicide (de Dédalion qui s’enfuit à cette fin) et le tremblement de terre...


La posture d’Artémis inaugure le jeu rythmique dans un raccourci visuel stupéfiant. Elle donne véritablement l’impression de voler dans les airs. Sa figure entière est celle d’un arc dédoublé, celui dont elle se sert et inversement la forme courbe de son corps, réunis par la tension extrême de son bras (orientation conservée de la flèche qui vient de tuer). En contrebas, dans le fond du ciel d’une noirceur tragique, une série de nuées illuminées constitue un “arc” brisé sous-jacent tout en saccades, onde de vibration de cette corde qui vient de décocher, onde plongeante autant qu’ascendante, ressort aux dimensions du paysage, foncièrement actif dans l’effet d’apesanteur de la déesse.


La terre s’ouvre littéralement sous l’infortunée prétentieuse fille de Dédalion, le flanc du terrain est à pic, les deux jumeaux (ses fils) et Céyx (son beau-frère) sur une bande de terre de l’autre côté du gouffre, peinent à trouver leur équilibre dans cet instant d’écart séismique, envahi par l’ombre profonde dans laquelle la victime semble devoir prochainement basculer et disparaître.


Le bras ballant de Chioné a lui aussi la forme d’un arc dans lequel s’engage toute la “flèche” horizontale de son corps livide, on voit une troisième fois la figure de la flèche et de l’arc entre le corps courbé de Céyx et le bras du jumeau qui par son appui garantit son équilibre précaire et enfin dans la courbure arquée que dessinent entre elles les branches de deux des plus gros arbres.


Battant en tous sens, bras et jambes de Céyx et ceux des jumeaux ainsi que toutes ramures, déterminent une rythmique seconde dans l’espacement à claire-voie des troncs où s’agitent violemment les feuillages, implacable expression d’effroi de ce théâtre-paysage.


L’action générale suit un rythme en spirale dont “l’œil” qui nous fait face, est le petit arbre du bout du talus, au feuillage frappé par l’éclair et déchaîné par la tempête.

La rythmique picturale a ceci de particulier qu’elle ne cherche guère l’évidence, elle demande une montée en puissance de l’attention oculaire pour se révéler, pour produire en chacun un parcours du regard au travers de ses accents poétiques et de ses implications complexes à l’échelle du tableau entier dans sa profonde réalité visuelle.



Le but du peintre n’est pas de rassembler un cortège d’amateurs en lisière de sa toile mais de projeter chacun tout entier au cœur de sa logique structurelle, d'’impliquer l'attention non en surface mais à l’intérieur, de heurter physiquement l'esprit par le biais d’un fait (ici mythologique) qui à priori pourrait laisser indifférent...



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