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  • Photo du rédacteurjeanmarctrimouille

David

HENRIETTE DE VERNINAC (sœur d'Eugène Delacroix 1780 -1827)


1799 Musée du Louvre 1,12 m × 1,45 m





Académique au premier regard, cette toile ne cesse bien sûr de s’en défendre car l’académisme ne recèle nulle vie, hors, cette représentation en palpite littéralement. Quelle sorte d’attention lui concéder pour en faire l’expérience ?


Sa constitution, sa structure ont-elles quelque intérêt particulier ?

Cette œuvre est-elle comme la période qui la porte, révolutionnaire ? Suit-elle le fil d’une certaine invention en peinture, dont David aurait renouvelé pour son compte la vitalité ?


Le sujet est habillé à la mode féminine du Directoire, calquée elle-même sur celle de la Grèce antique, ce qui bien sûr ne dépare en rien chez un peintre répertorié comme néo-classique… David ne nous montrerait-il pas accessoirement par là que les choses les plus ancrées ne sont pas les moins définitivement modernes ?

Ce modèle assis, comme il s’en fit tant d’autres alors, fut-il de quelque nouveauté aux spectateurs de son temps, et qu’offre-t-il à ceux d’aujourd’hui ?

Aparté :


Le réflexe sciemment inculqué par l’institution sous toutes ses formes et si navrant de la seule assimilation distraite de l'image pour ce qu’elle représente, le recours à des notions génériques insipides tenant lieu d’offre culturelle picturale tout comme le rappel de divers liens superflus de cette “image” à la société de son époque, infligeant l’ÉruCTdition à tout spectateur comme sésame opaque, cette dissipation scolastique, sont-ils destinés à perdurer ? Ces balourdises inlassablement reconduites, peuvent-elles mener quiconque à ressentir quoi que ce soit ?

Sentir et penser par soi-même sont LES priorités face à une œuvre !!! Il ne saurait être d’autre vocation pour le spectateur qui cherche le contact, avec l’espoir d’une relative aura de silence (ce qu’on ne peut malheureusement plus attendre du Louvre, devenu un vaste hall pour Narcisses selfieurs et hurleurs, acteurs d’une agitation brownienne aux bourdonnants crétinophones, qui portent à un degré d’héroïsme véritable toute clandestine réussite de concentration !).


Fin de l'aparté


Un peintre qui touche le spectateur par delà les siècles est un être qui nécessairement médite la structure des choses, c’est cela être peintre et non se contenter de produire de beaux portraits à la touche vibrante, au coloris séduisant comme sait le faire sans autre portée particulière mais avec un beau talent, le baron Gérard, présent tout à côté dans cette même collection. N’est pas peintre qui veut, est peintre qui le peut, la peinture ne se résume pas à de la mise en scène, si brillante soit-elle, si séduisant soit son métier.

Peindre est une puissance d’action qui réfléchit la profondeur (au sens d’un miroir) d’une pensée en train de se constituer.


Par ailleurs un peintre n’est pas seul dans l’histoire et l’Idéal migre en peinture, la mise en œuvre picturale (donc pas exclusivement l’image que l’on voit !), le type de conception (de conception donc d’invention spécifique pour une création précise) va son chemin et parfois fait source chez l’un ou chez l’autre au travers de changements bien sûr radicaux, de Lascaux à Francis Bacon en passant par les Primitifs français, la tapisserie médiévale ou Cézanne et aussi par David entre autres. Les mêmes règles s’appliquent de tout temps en peinture mais l’appropriation de leur usage ne cesse de renverser les acquis, dénotant dans certains cas l’affirmation d’une puissance ainsi qu’à l’occasion par l’avènement et l’expression de capacités inédites, un génie indéniable.


Sans doute en ce qui concerne cette toile de David, certains indices détrompant l’impression première de l’amateur, l’amateur, le vrai, celui qui cherche à s’éprendre absolument, peuvent-ils le conduire par le chemin des sensations, à s’ouvrir à un certain regard…

Ce regard ne saurait être le fruit que d’une attention toute personnelle, de l’issue d’une confrontation physique de son corps en propre à celui du tableau, ainsi que d’un irrépressible désir d’y Voir, que seuls délivrent le temps et la constance accordés aux œuvres des grands créateurs.


Il n’est pas inutile de rappeler que tout peintre comme tout artiste ne désire rien tant que son travail ait l’air d’avoir été produit le plus naturellement du monde, sans effort visible et si toute une machinerie est à l’œuvre en sous-main pour atteindre ainsi à cette fin, il est évidemment préférable pour la force de l’expression que celle-ci soit indécelable au premier abord. Si elle existe, c’est qu’une sérieuse dynamique d’échange attend celui qui prend le temps de regarder, de s’imprégner pleinement des conditions qui lui font face.

David procède-t-il à quelques dérèglements des conventions, de quelle manière se donne-t-il la liberté d’exprimer sa pleine puissance ?


Il est aisé de constater en premier lieu qu’il n’y a ici ni véritable horizontale ni véritable verticale,
 les directions qui s’en rapprochent le plus sont toujours des obliques, même très légères.
 Cette observation a pour cette toile des conséquences très subtiles en termes d’invention, de spatialité et par ailleurs de sensualité extrême.


Rainures du haut de la plinthe murale qui passent sous l’assise du modèle et ressortent sur sa droite, “horizontale” en pente discrète, de la ceinture de la chaise (ornée d’un rameau d’olivier) qui forme un angle très fin avec ces deux rainures et provoque la sensation d’un glissement des deux-tiers inférieurs du personnage (de son assise) dans sa tunique effleurante haute-taille, effet de déversement de l’étoffe et de son contenu de chair en clarté mouvante qui déferle vers le sol, tête de face et haut du buste de trois-quart, qui gardent leur port droit, fermement posés, sans accélération de la gravité comme pour les deux-tiers qui les sous-tendent, visage (dans de fines oppositions de tons) au volume le plus exprimé de la toile, le plus irradiant, sur le gris dégradé profond du mur, mur qui du haut à droite vers le bas à gauche passe insensiblement du mauve au vert dans un écart doux et spatial, prunelles (qui fixent notre attention), aussi tendrement ou mollement élargies à l’horizontale que les ellipses du carrelage (sciemment bâclées du point de vue de la perspective) mais dont la mise en relation entre elles et ces premières, procure une sensation indéfinie de lente expansion latérale, expression peut-être fortuite mais sans nul doute originale dans l’histoire de la peinture, d’une perception offerte de la dilatation du temps… Mains qui ne contraignent guère les plissés de l’étole et leurs orientations contraires à celui de la robe mais rééditent localement par leur figures l’expression alternée de suspension, de posé et de glissement du corps ; aspects, indices, ce que l’on voudra, d’une mise en situation complexe de conception, sans prévalence imposée de l’un sur l’autre, des allures opposées de maintien et de relâchement, irrépressible sentiment de sensualité et d’espace sans commencement ni fin.


Voilà un exemple intéressant dans le thème représenté, d’un sujet qui “glisse” ou qui “tombe” comme on le retrouve mais de toutes autres manières chez Cézanne et chez Bacon, non un simple portrait d’apparat (pour un peintre parfois considéré comme froid et convenu) mais un creuset poétique d’émotions picturales éminemment rayonnantes .

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